Auteur : Pascal Kashemwa Cishugi
Contenu : préface, postface, 9 chapitres, annexe, 33 photos
Livre : volume broché, format 20,5 x 14,5, 269 pages. Imprimerie MEDIASPAUL, Kinshasa, 2011, Dépôt légal FI 3.01102-57031, ISBN 978-2-7414-0685-3
Depuis des longues années, la ville de Bukavu, ex. Costermansville est reconnue comme un véritable carrefour du dialogue interculturel. C’est cela qui justifie, grâce surtout au football, vecteur à la fois de rassemblement, de fraternité et de coexistence pacifique, sa vocation cosmopolite. En abordant ce thème dans le présent exercice d‘écriture, l’auteur s’est appuyé sur ce facteur social pour montrer qu’il a remarquablement contribué au renforcement du cosmopolitisme de cette ville lacustre située à l’Est de la RD Congo.
Le chapitre 1 offre succinctement le témoignage de l’auteur sur la manière dont lui-même et ses congénères avaient découvert le foot dans la rue du Centre Extra-Coutumier de Bukavu (à Katutu/Kadutu). Cet ouvrage donne un aperçu historique de Bukavu, ex. Costermansville et son aménagement de 1946 à 1960 d’abord, de 1970 à ce jour ensuite. La définition du mot générique du sport et celle du football, centre d’intérêt du sujet traité, ainsi que leurs origines y sont laconiquement abordées. Pour mémoire, un rappel de diverses dates historiques en vue d’asseoir le foot sur quelque chose de solide était nécessaire.
Le chapitre 2 s’étend sur l’organisation des sports et du football au Congo Kinshasa (1931-2009) et fait aussi un bref exposé sur la politique sportive au Congo belge (1931-1960). Par ailleurs, on essaie d’y rétablir et d’analyser les mobiles révélés par le pouvoir colonial, et qui l’avaient poussé à promouvoir les sports modernes au bénéfice des autochtones du Congo. Curieusement, il n’avait jamais ressorti d’une manière suffisante et claire les véritables raisons que dissimulait l’autre face de la politique coloniale dans la promotion des sports et qui étaient plus en sa faveur. Parler dans ce livre de l’organisation des sports et du football à Léopoldville (Kinshasa) a donné l’occasion de mettre en exergue le célèbre père Raphaël de la Kethule des Missions de Scheut, fondateur de l’Association Royale Sportive Congolaise « ARSC » créée en 1919. Avec ses pairs missionnaires, le gouvernement de colonie et les firmes commerciales, entre 1934 à 1946, il avait pu aménager un parc des sports appelé Parc des sports Général Ermens et plus tard, le stade Roi Baudouin inauguré en 1952. En 1958, l’ARSC avait pu s’étendre sur tout le Congo et le Ruanda-Urundi en devenant Association Royal Sportive Congolaise et du Ruanda-Urundi « ARSCRU » et qui regroupait les différentes. A savoir : les fédérations de Léopoldville (FRSCL), d’Elisabethville (FRASIE), du Kasaï (FSCL), de Stanleyville (FCCIS), de l’Equateur (ASCE), du Kivu (ACSIK), du territoire du Ruanda-Urundi (FIFU). C’est après le 30 juin 1960 que cette ARSCRU était devenue Fédération des Associations Sportives Congolaises « FASCO » et plus tard, Fédération Congolaise de Football Associations « FECOFA », Fédération Zaïroise de Football de Football Associations « FEZAFA » et présentement Fédération Congolaise de Football Associations « FECOFA ».
Le chapitre 3, le plus court de tous, présente le père Gérard De Getter de la congrégation des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) comme éducateur, communicateur, pionnier des sports et du football, et promoteur d’un grand nombre d’activités socioculturelles à Bukavu ex. Costermansville. Fondateur et président de l’Association des Clubs Sportifs des Indigènes du Kivu « ACSIK » (1946-1958), il l’est aussi de l’équipe Kivu Excelsior Football Club « KEFC ». Avec d’autres personnalités comme Frère Prouvé, les territoriaux Willemart, Binamme, Winene et le commissaire de police Verbist, il a donné une impulsion considérable pour le développement du sport-roi dans cette contrée en y laissant des traces ineffaçables.
Le chapitre 4 expose le sport scolaire et son championnat interscolaire de football à Bukavu et ses périphéries. Comme sous d’autres cieux, les formations physique et manuelle étaient aussi importantes que la formation intellectuelle dans les écoles de Bukavu. Le cours d’éducation physique (habituellement dit cours de gymnastique) figurait au programme de l’enseignement. Donc la pratique des sports et surtout du football était obligatoire. Pour y parvenir, les dirigeants des établissements secondaires de l’époque avaient consenti des efforts mémorables pour ériger des installations sportives, tels que : terrain de foot, basket, volley, hand-ball, court de tennis, bassin de natation, etc. et autres matériels appropriés. Ces écoles avaient aussi des techniciens en vue d’initier et d’encadrer les élèves dans diverses disciplines sportives pratiquées. L’introduction de l’éducation sportive dans la pédagogie participe pleinement à la formation de l’enfant. A l’époque coloniale, à cause de la ségrégation, il parait qu’il n’y avait pas un cadre officiel proprement dit pour des rencontres sportives entre les élèves des établissements des enfants blancs et des autochtones. Néanmoins, à la suite des arrangements entre les dirigeants scolaires, quelquefois des épreuves informelles (meetings d’athlétisme et matches de foot) étaient organisées pour rapprocher, tant soit peu, les élèves de différents établissements. C’est à partir de 1960 que ce cadre dit « championnat interscolaire de football » fut créé en vue de rapprocher les jeunes de différentes écoles. Les équipes de foot des écoles qui participaient annuellement à cette fête de la jeunesse sont : Athénée d’Ibanda ex. Athénée Royal (Athéna Racing Club), Athénée de Bagira, ex. Athénée Interracial, Collège Notre Dame de la Victoire (Victory), Collège Saint Paul (Juventus), Ecole Technique Professionnelle Officielle (Esperanto), Groupe Scolaire Regina Mundi (Quick Star). Etant des pépinières des jeunes talents, les clubs évoluant dans la ville de Bukavu recouraient aux élèves de certains établissements pour renforcer les équipes de l’ACSIK.
Le chapitre 5 est l’épicentre de l’ouvrage. Il aborde les origines et les critères de formation des équipes de football à l’époque coloniale. A part les lois et autres règles de ce sport préalablement définies, la phase de formation de certaines équipes devrait se faire sur base de diverses organisations, notamment des évolués, des mutualités et autres organisations tribalo ethniques ou linguistiques. Ainsi, le championnat des équipes des Noirs était organisé au sein de l’Association des Clubs Sportifs des Indigènes du Kivu « ACSIK ». Elles sont identifiées en quatre catégories. Catégorie 1 : équipes à connotation ethnique, ou tribale du Kivu-Maniema (ASBEKI FC (Association Sportive des Babembe du Kivu), ASNOKI (Association Sportive des Ressortissants du Nord-Kivu), BUSHI FOOTBALL CLUB (Bashi), UNERGA SPORT (Rega), ESPEA SPORT (Bakusu et Tetela), MANIEMA SPORT (ressortissants de District de Maniema). Catégorie 2 : équipes à connotation régionale ou provinciale ou linguistique A.LEO.KI (Provinces de Léopoldville, Orientale et Equateur), ALBERTA FC puis KATANGA SPORT (Albertville-Katanga), LULUA SPORT (Province du Kasaï). Catégorie 3 : les clubs corporatifs tels que REGIDESO (agents et ouvriers de ladite société), AICO (Association des Infirmiers du Congo), IRSAC FC (Agents de cet Institut de recherche », STELLA MATUTINA (agents des travailleurs du Collège Notre Dame de la Victoire), etc. et enfin catégorie 4 : équipe à connotation non ethnique ou tribale : Kivu Excelsior Football Club « KEFC».
Un échantillon représentatif d’une centaine de noms accompagne cette partie. En 1957, un ouï-dire ayant défrayé la chronique après l’incident de Philippe Buhendwa dit Bitegerha, survenu lors du match disputé le 25 juin 1957 au stade roi Baudouin de Kadutu entre l’équipe belge Union Saint Gilloise et la sélection de Bukavu, termine cette période coloniale. En effet, une collision entre Philippe et un joueur belge qui fut aussitôt évacué du terrain, avait suffi pour dire que ce dernier était mort à la suite du choc de Philippe. Aujourd’hui, certaines personnes croient encore à cette rumeur, mais les recherches de l’auteur ont révélé que c’était des racontars.
A l’accession du Congo à la souveraineté nationale, suite à des nombreuses mutations sociopolitiques intervenues au travers le pays, il y a eu quelques tentatives de vouloir voir loin de l’ethnie, de la tribu ou de la langue. Ceci a annoncé la première métamorphose du football bukavien. Celle-ci se vérifie par exemple au sein de l’équipe d’Espoir Football Club, ex. Bushi Football Club. L’hétérogénéité des joueurs y évoluant (Belge, Allemand, Togolais, Malgache, Rwandais, Kusu, Kongo, Vira, Rega, Luba, Bembe) est éloquente. Un échantillon de noms des joueurs escorte les différentes générations dès les années 60 jusqu’en 2010. La liste non exhaustive de dirigeants de l’A.C.S.I.K/A.F.Bu depuis 1946 jusqu’en 2009 immortalise ces illustres passionnés du foot. Enfin, en raison de sa constance dans la pratique du football (de 1958 à vers 1980), un hommage traitant Joseph Mweze, alias « MUSCLE » de phénomène met fin à ce méga chapitre.
Le chapitre 6 relate le fétichisme tentaculaire qui subordonne le football. Bon nombre de Congolais sont des superstitieux et donnent au fétiche énormément d’importance. Ils croient qu’un match de football peut se gagner avec le fétiche ou peut remplacer les talents ou autres qualités techniques et physiques des joueurs. Quelle illusion ! Le fétiche étant séculaire, cet ancien joueur de foot et l’auteur de ce livre, croit que Bukavu n’était pas épargné. Il donne son aveu personnel qui expose son impression. Autres anciens joueurs comme Vincent Kimputu, Eugène Nyamuhundwa et Antoine Muluvia ont apporté de l’eau au moulin en vue de dénoncer cette pratique naïve en décourageant ceux qui recourent à ce genre de ce soit disant « préparation psychologique ».
Le Chapitre 7 tente de réunir en quelques lignes des éléments disponibles de différentes périodes qui constituent une sorte de bilan du football bukavien. Un coup d’œil furtif passe en revue les différents matchs de foot, depuis l’époque coloniale jusque vers les années 2010, et qui avaient eu lieu à Bukavu sur les terrains de foot de Mukukwe et de Kadutu. Les équipes de l’Association de Football de Bukavu (AFBu) ont eu à rencontrer d’autres équipes venant de différents lieux de la RDC, soit en matches amicaux, soit en coupe du Congo et autres compétitions en dehors du pays.
Cet ouvrage tire la sonnette d’alarme en dénonçant quelques indicateurs, en soutenant que si le pouvoir public ne les jugule pas, ils risquent d’annihiler les efforts consentis pour rehausser le niveau du foot de Bukavu. Ces indicateurs sont entre autres : l’exigüité du stade de la concorde de Kadutu, le délabrement des infrastructures sportives, l’inadéquation de la pratique sportive à l »école, la tendance de tribalisation et/ou de politisation du football. Parmi tant d’autres, Bonaventure Mwananteba, Prosper Ndume, Célestin Chishibanji et Antoine Muluvia considérés comme figures emblématiques de football de Bukavu, ont été ses ambassadeurs à Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani.
Le chapitre 8 évoque quelques aspects sociologiques inhérents au football. A cause de son caractère social, le football à la fois sport de masse et phénomène social, est considéré aussi comme outil de rapprochement des peuples et véhicule de la cohésion sociale et de dialogue interculturel. Deux témoins, à savoir : Henri Mukanya et Robert Simba, non originaires de Bukavu ou du Kivu ont donné leurs témoignages qui montrent que le football est sincèrement un outil d’intégration. Il en est de même de Ferdinand Irenge qui a fait un témoignage en l’honneur de Karl-Heinz Schneider, figure connue de tout Bukavu à cause du football. Grâce à ce sport, non seulement les Congolais non originaires du Kivu se sont rapprochés les uns des autres, mais a permis aussi aux Africains (Rwandais, Burundais, Sénégalais, Ougandais, Tanzaniens), Haïtiens, Belges, Allemands, Juifs, Grecs et autres à s’intégrer. Certains parmi eux étaient membres d’honneur d’Espoir Football Club (actuellement OC Bukavu Dawa), d’Olympique Bande Rouge et d’Union Sport d’OR). Enfin, la violence dans le sport étant un élément social depuis des années, elle était aussi connue à Bukavu. Cet ouvrage évoque quelques échauffourées des années 50-60 provoquées après un match de football.
Le chapitre 9 plaide pour le cosmopolitisme de la ville de Bukavu. Selon la définition d’une ville, des paradigmes de loisir et de culture ont été passés en revue en vue d’enrichir l’éventail de préalables d’une ville cosmopolite. Cette démarche indique suffisamment l’apport du football au cosmopolitisme de cette ville à l’époque coloniale et après l’indépendance du Congo. Dans cette ville, à partir du foot, se sont développés des gens avec presque une même mentalité et partageant le même mode de vie. La plupart de ceux qui se sont connus sur les terrains de foot de Bukavu, anciens joueurs ou spectateurs, continuent à garder l’amitié nouée autour du ballon. Bref, ce livre ne fait qu’immortaliser ceux-là, qui, venant de tous les horizons, se sont retrouvés, d’une façon ou d’une autre autour du ballon au stade de Kadutu ou de Mukukwe. Avant la clore ce chapitre, une figure de proue du football de Bukavu, Ferdinand Irenge, au regard d’un questionnaire lui proposé, a fait sa lecture dès les années 50 jusqu’à l’année 2010.
Un appendice reprenant les grands événements du championnat de l’Est, qui regroupait les équipes des Blancs, clôt complètement le livre titré « Contribution du football au cosmopolitisme de la ville de Bukavu (1950-2010)». Ces événements sont par exemple : l’ordre chronologique de la création des équipes (KFC, BFC, UFC, VICTORY, ARC, SCU, CFC, USU), le déroulement du championnat et différentes coupes de l’Est en 1946 et 1960, les trophées mis en jeu et différentes coupes entre 1946 et 1960, la composition de certaines équipes et quelques résultats, etc.